Créé fin 2018 par l’ANSM et la Cnam, EPI-PHARE réalise, pilote et coordonne des études de pharmaco-épidémiologie à partir des données complexes et massives du Système National des Données de Santé (SNDS), pour éclairer les pouvoirs publics dans leur prise de décision.
Vous trouverez ci dessous une étude de pharmaco-épidémiologie sur 28 millions de personnes avec un schéma vaccinal complet contre la Covid-19. Dans la continuité de ses études sur la surveillance épidémiologique des vaccins contre le Covid-19, qui ont notamment confirmé l’efficacité importante de la vaccination, le groupement d’intérêt scientifique EPI-PHARE (Cnam et ANSM), a analysé les caractéristiques associées aux risques résiduels d’hospitalisation et de décès hospitalier liés au Covid-19 dans la population française présentant un schéma vaccinal complet au 31 juillet 2021. Les résultats de cette étude mettent en évidence la très faible fréquence des cas d’hospitalisation et de décès pour COVID-19 chez les personnes vaccinées, et que ces risques résiduels sont fortement liés à un âge élevé, à la prise de traitements immunosuppresseurs ou corticoïdes oraux, et à la présence de plusieurs comorbidités.
Avant la disponibilité des vaccins, les principaux facteurs de risque d’hospitalisation et/ou de décès pour Covid-19 étaient de loin l’âge, ainsi que certaines comorbidités telles que l’obésité, le diabète, la trisomie 21, le retard mental, la transplantation rénale ou pulmonaire, l’insuffisance rénale chronique terminale en dialyse ou le cancer actif du poumon, comme cela a été montré précédemment par EPI-PHARE. Bien que les vaccins aient une efficacité majeure de l’ordre de 90% pour prévenir les formes sévères de Covid-19, un risque résiduel persiste. Dans cette nouvelle étude, EPI-PHARE s’est intéressé à décrire et comprendre les caractéristiques associées à ce risque résiduel.
Cette nouvelle étude couvre l’intégralité de la population française qui avait eu un schéma vaccinal complet (deux doses de vaccin ou une infection à Covid-19 avec une dose de vaccin) entre le 1er janvier et le 31 juillet 2021, soit 28 millions de personnes. Dans cette population, seuls 5 354 hospitalisations et 996 décès hospitaliers pour Covid-19 sont survenus jusqu’au 31 août 2021.
Ces résultats, qui témoignent une nouvelle fois du niveau élevé d’efficacité des vaccins pour prévenir les formes graves de la maladie, montrent que les risques d’hospitalisation et de décès pour Covid‑19 après un schéma vaccinal complet restent fortement associés à l’âge. En effet, les personnes vaccinées âgées de 85 à 89 ans ont par exemple un risque 4 fois plus élevé d’être hospitalisées pour Covid‑19 et 38 fois plus élevé de décéder par rapport aux personnes vaccinées de 45 à 54 ans.
Parmi les personnes vaccinées, le risque résiduel de forme grave de Covid-19 apparait également fortement associé à la prise d’immunosuppresseurs, avec un risque d’hospitalisation multiplié par 3,3 et de décès multiplié par 2,4. Les risques d’hospitalisation et de décès sont par ailleurs multipliés par 2,8 et 4,1 respectivement chez les personnes vaccinées sous traitement par corticoïdes oraux.
La présence de certaines comorbidités, en particulier la transplantation rénale ou du poumon, l’insuffisance rénale en dialyse, la mucoviscidose, le cancer actif du poumon, la trisomie 21 et le retard mental, sont également associées à un risque résiduel d’hospitalisation et de décès liés au Covid-19 après une vaccination.
Le risque est en outre augmenté de manière concomitante avec le nombre de comorbidités chez une même personne. Les personnes vaccinées sans comorbidité représentent en effet une très faible proportion des hospitalisations pour Covid-19 et des décès. Parmi les personnes vaccinées hospitalisées, la proportion qui n’a pas de comorbidité est de moins de 10% et atteint 27% pour les personnes présentant cinq comorbidités ou plus. Parmi les patients décédés en milieu hospitalier, la proportion qui n’a pas de comorbidité est de 2% tandis que 39% ont cinq comorbidités ou plus.
Les résultats de cette nouvelle étude soulignent l’importance de la vaccination, à laquelle doivent être associées d’autres mesures en particulier chez les plus fragiles (distanciation physique, port du masque, aération, mise à disposition de traitements préventifs et curatifs) pour éviter les formes sévères de la maladie.
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Contexte
Avant la disponibilité des vaccins, les principaux facteurs de risque d’hospitalisation et/ou de décès pour COVID-19 étaient de loin l’âge, ainsi que certaines comorbidités telles que l’obésité, le diabète, la trisomie 21, le retard mental, la transplantation rénale ou pulmonaire, l’insuffisance rénale chronique terminale en dialyse ou le cancer actif du poumon. Les vaccins ont une efficacité majeure (de l’ordre de 90%) pour prévenir les formes sévères de COVID-19, mais il se pose la question d’une meilleure compréhension des facteurs de risque résiduel de certains groupes de la population.
Objectif
Identifier les caractéristiques sociodémographiques et médicales associées au risque d’hospitalisation et de décès hospitalier pour COVID-19 en France après un schéma vaccinal complet fin juillet 2021 (deux doses de vaccin ou un épisode de covid avec une dose de vaccin) [1].
Méthodes
L’étude, basée sur les données de la base nationale de vaccination COVID-19 VAC-SI couplées au Système national des données de santé (SNDS – données exhaustives de remboursement et d’hospitalisation en France), a porté sur l’ensemble des personnes ayant eu un schéma vaccinal complet avec les vaccins de Pfizer-BioNTech, Moderna ou AstraZeneca en France au 31 juillet 2021 (données disponibles avec un recul minimum d’un mois à l’initiation de ce travail). Chaque personne a été suivie à partir du 14e jour après la 2nde injection (ou du 14e jour après la 1ère injection pour les personnes ayant été préalablement testées positives ou hospitalisées pour COVID-19), jusqu’à hospitalisation pour COVID-19, décès ou jusqu’au 31 août 2021. Des modèles de Cox ont été utilisés pour estimer les Hasards Ratios ajustés (HRa) d’hospitalisation et de décès hospitalier pour COVID-19 associés aux caractéristiques sociodémographiques (âge, sexe, indice de défavorisation sociale) et médicales (comorbidités chroniques, traitement immunosuppresseur ou par corticoïdes oraux) après un schéma vaccinal complet.
Résultats
Un total de 28 031 641 personnes avec un schéma vaccinal complet au 31 juillet 2021 ont été incluses et suivies pendant en moyenne 80 jours (soit environ 2 milliards de personnes-jours). Au cours de ce suivi, 5 345 (19 pour 100 000) ont été hospitalisées et 996 (4 pour 100 000) sont décédées à l’hôpital pour COVID-19.
Dans cette population de sujets vaccinés, les risques d’hospitalisation et de décès hospitalier pour COVID-19 étaient associés à l’âge (par exemple, par rapport aux personnes de 45-54 ans, celles âgées de 85-89 ans avaient un risque 4 fois plus élevé d’être hospitalisées pour COVID-19 (HRa 4,0 [3,5- 4,7]) et 38 fois plus élevé de décéder (HRa 38,0 [19,2- 75,2])), au sexe (les hommes avaient un risque d’hospitalisation 1,6 fois plus élevé (HRa 1,6 [1,5-1,7]) et un risque de décès 2 fois plus élevé (HRa 2,0 [1,7-2,3]) que les femmes) et au niveau de défavorisation sociale (les personnes résidant dans les communes les plus défavorisées avaient un risque d’hospitalisation 1,3 fois plus élevé (HRa 1,3 [1,2-1,4]) et un risque de décès 1,5 fois plus élevé (HRa 1,5 [1,2-1,9]) que celles des communes les plus favorisées).
Les 47 affections chroniques étaient positivement associées à des risques accrus d’hospitalisation pour COVID-19 à l’exception de la dyslipidémie traitée qui était négativement associée, et une majorité à un léger sur-risque de décès. Les associations les plus fortes étaient retrouvées pour la transplantation rénale (HRa 32,1 [28,0-36,9] et 33,9 [24,2-47,4]), la transplantation du poumon (HRa 13,7 [8,1-23,2] et 11,4 [1,5-88,5]), l’insuffisance rénale en dialyse (HRa 7,0 [5,9-8,2] et HRa 8,6 [6,3-11,7]), la mucoviscidose (HRa 6,3 [3,4-11,7] et 9,6 [1,3-73,4]), la trisomie 21 (HRa 3,9 [2,1- 7,3] et 45,1 [16,0-127,1]), le retard mental (HRa 3,6 [2,5-5,0] et 3,1 [1,0-10,0]) et le cancer actif du poumon (HRa 3,5 [2,7-4,4] et 6,5 [4,2-10,0]).
Les risques d’hospitalisation et de décès hospitalier pour COVID-19 étaient également augmentés chez les personnes vaccinées traitées par immunosuppresseurs (HRa 3,3 [2,8-3,8] et 2,4 [1,7-3,5], respectivement) ou corticoïdes oraux (HRa 2,8 [2,5-3,1] et 4,1 [3,3-5,1]).
Parmi les personnes hospitalisés pour COVID-19 après un schéma vaccinal complet, moins de 10% n’avaient aucune comorbidité identifiée, 12% présentaient une comorbidité, 16% deux comorbidités, 18% trois comorbidités, 16% quatre comorbidités et 27% cinq comorbidités ou plus. Parmi les personnes décédées au cours d’un séjour pour COVID-19 après un schéma vaccinal complet, ces proportions étaient respectivement de 2%, 7%, 14%, 19%, 19% et 39%. Les risques d’hospitalisation et de décès hospitalier pour COVID-19 augmentaient fortement avec le nombre de comorbidités : après ajustement, les patients vaccinés présentant une seule comorbidité étaient 2 fois plus à risque d’être hospitalisés pour COVID-19 (HRa 2,2 [2,0-2,5]) en comparaison aux patients vaccinés sans comorbidité identifiée. Le risque d’hospitalisation était respectivement triplé (HRa 3,8 [3,4- 4,3]) chez les patients vaccinés présentant 2 comorbidités, quintuplé (HRa 5,4 [4,8-6,1]) chez les patients vaccinés présentant 3 comorbidités, septuplé (HRa 7,8 [6,9-8,9]) chez les patients vaccinés présentant 4 comorbidités et multiplié par 13 (HRa 13,8 [12,2-15,6]) chez les patients vaccinés présentant 5 comorbidités.
Conclusion
Sur la base des données nationales exhaustives de vaccination, de remboursement et d’hospitalisation, cette étude a mis en évidence la très faible fréquence des cas d’hospitalisation et de décès pour COVID-19 survenus sur la période de suivi à l’échelle de l’ensemble des personnes vaccinées en France au 31 juillet 2021. Le risque résiduel de forme sévère du COVID-19 après un schéma vaccinal complet restait fortement associé à l’âge et à la prise d’immunosuppresseurs ou de corticoïdes oraux. Ce risque augmentait fortement avec le nombre de comorbidités et les personnes vaccinées sans comorbidité représentaient une faible proportion des hospitalisations pour COVID et des décès.
Ces résultats suggèrent l’importance de la vaccination et des mesures de prévention complémentaires pour éviter un risque résiduel de formes sévères de COVID-19 chez les personnes vaccinées, en particulier les populations âgées, immunodéprimées et/ou polypathologiques.