Après un premier rapport publié en 2019, l’Ansm a réalisé une nouvelle revue des données sur la prise d’antiépileptiques pendant la grossesse et les principaux risques que peuvent représenter ces médicaments pour l’enfant à naître : les risques malformatifs et les risques de troubles neurodéveloppementaux. Ce rapport permet de classer les antiépileptiques en fonction du niveau de risque de malformations majeures et de troubles neurodéveloppementaux. Pour en faciliter la compréhension, nous avons conçu une fiche d’information, à utiliser dans le cadre d’un dialogue prescripteur/patiente.
Suite aux nouvelles données disponibles, l’ANSM a engagé plusieurs actions au niveau national et européen pour sécuriser l’utilisation des antiépileptiques. La surveillance des risques liées à l’exposition des femmes enceintes à ces médicaments est poursuivie.
Que retenir de ce rapport ?
Cette mise à jour confirme le niveau de risque déjà connu du valproate, que ce soit le risque malformatif ou celui de troubles neurodéveloppementaux en cas de prise par la mère au cours de la grossesse.
Le risque de malformation majeure associé à la prise de prégabaline est confirmé.
L’augmentation du risque de troubles neurodéveloppementaux est identifiée pour le topiramate et possible pour la carbamazépine.
Valproate (et ses dérivés valpromide, divalproate), cet antiépileptique reste le plus à risque en cas de prise par la mère pendant la grossesse.
En cas de prise par la mère au cours de la grossesse, le valproate entraîne le plus de malformations chez l’enfant, avec un risque multiplié par 4 à 5 (11%) par rapport au risque sans traitement. Il comporte également un risque élevé de troubles neuro-développementaux (30 à 40 % des enfants exposés in utero).
Le valproate et ses dérivés sont formellement contre-indiqués pendant la grossesse dans la prise en charge des troubles bipolaires et ne doivent pas être utilisés chez les femmes enceintes épileptiques, sauf en l’absence d’alternative thérapeutique.
De nombreux éléments d’information sont à disposition des patientes et des professionnels de santé.
Par ailleurs, un risque potentiel de troubles neurodéveloppementaux associé à la prise de valproate par le père dans les trois mois précédant la conception est en cours d’évaluation au niveau européen. Dans l’attente des conclusions de cette évaluation, L’ANSM a adressé une lettre d’information à l’ensemble des professionnels de santé concernés pour les alerter sur ce risque potentiel. Une fiche d’information pour les patients a aussi été conçue afin d’être remise aux patients.
Les médicaments concernés sont : Depakine® et génériques, Micropakine®, Depakote® et son générique Divalcote® et Depamide®.
Topiramate, un risque de troubles neurodéveloppementaux confirmé
Le risque de troubles neurodéveloppementaux, chez les enfants exposés au topiramate pendant la grossesse, est augmenté par 2 à 3 fois (troubles du spectre autistique jusqu’à 6 % et risque de survenue d’une déficience intellectuelle jusqu’à 8 % 1) par rapport aux enfants nés de femmes épileptiques qui ne prennent pas de médicaments antiépileptiques.
Le risque de malformations majeures, multiplié par 3 par rapport au risque sans traitement, était déjà connu.
Au regard de ces nouvelles données, dans le but de diminuer le risque de survenue de grossesse sous topiramate, sa prescription est réservée aux neurologues et aux pédiatres. La signature d’un accord de soins annuel par la patiente et son médecin dont la présentation au pharmacien conditionne la dispensation du médicament est necessaire.
Une évaluation européenne initiée à la demande de l’ANSM a restreint l’utilisation de ce médicament dans le cas des femmes en âge d’avoir des enfants comme nous l’avions proposé.
Les médicaments concernés sont : Epitomax® et génériques.
1 Ces valeurs doivent être considérées avec prudence compte tenu des limites de l’extrapolation de ces résultats scandinaves aux données françaises
Carbamazépine, une augmentation possible du risque de troubles neurodéveloppementaux
Selon les nouvelles données disponibles, il est possible que le risque de troubles neurodéveloppementaux soit augmenté chez les enfants exposés à la carbamazépine par rapport à la population non exposée.
Le risque de malformation congénitale majeures de la carbamazépine est déjà connu (2 à 3 fois supérieure à celle de la population générale).
Afin d’assurer la bonne information des patientes et réduire le nombre encore trop important de grossesses sous carbamazépine, nous allons rendre obligatoire en 2024 la signature d’une attestation d’information partagée par la patiente et le médecin prescripteur dont la présentation au pharmacien conditionnera la dispensation du médicament.
Les médicaments concernés sont : Tegretol® et génériques
Prégabaline, le risque malformatif est confirmé
Les nouvelles données disponibles confirment le risque de malformation majeure chez l’enfant, lié à l’exposition à la prégabaline pendant la grossesse : il est multiplié par près d’1,5 par rapport à la population qui n’a pas été exposée à ce médicament. Ce risque n’était que suspecté dans le rapport de 2019.
Les médicaments concernés sont : Lyrica® et génériques.
Oxcarbazépine, une augmentation du risque malformatif présumée / à investiguer ?
La surveillance se poursuit. Des études complémentaires sont nécessaires avant de pouvoir conclure à l’existence ou non d’un risque de malformation.
Les médicaments concernés sont : Trileptal® et génériques.
L’actualisation des données disponibles n’a par ailleurs pas modifié les conclusions publiées en 2019 pour les autres médicaments antiépileptiques
Pour la lamotrigine (Lamictal® et génériques) et le lévétiracétam (Keppra® et génériques, Leptax® et Leviden®), les données disponibles ne mettent pas en évidence d’augmentation du risque de malformations congénitales majeures ou de troubles du neurodéveloppement.
Concernant la vigabatrine (Kigabeq® et Sabril®), le felbamate (Taloxa®), le zonisamide (Zonegran® et génériques) et la gabapentine (Neurontin® et génériques), les données disponibles sont insuffisantes pour conclure à une augmentation du risque de malformations congénitales majeures ou de troubles neurodéveloppementaux.
Concernant la (fos)phénytoïne (Prodilantin®, Di-Hydan® et Dilantin®), le phénobarbital (Gardenal®) et la primidone (Mysoline®), l’exposition à ces molécules entraîne un risque de malformations congénitales majeures ; en ce qui concerne le risque de troubles neurodéveloppementaux, les données restent insuffisantes pour conclure.
Enfin, pour plusieurs autres médicaments, il n’existe pas, à ce jour, de données pour conclure sur les risques malformatifs et sur les risques de troubles neurodéveloppementaux : le brivaracétam (Briviact®) ; le cannabidiol (Epidyolex®) ; le cénobamate (Ontozry®) ; l’eslicarbazépine (Zebinix®) ; l’éthosuximide (Zarontin®) ; le fenfluramine (Fintepla®) ; la lacosamide (Vimpat® et génériques) ; le pérampanel (Fycompa®) ; la rufinamide (Inovelon®) et la tiagabine (Gabitril®).
Pour rappel, l’absence de données ne signifie pas absence de risque mais que l’information n’est pas connue à ce jour.
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