Depuis plusieurs années, le réseau des centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A) observe une augmentation des signalements d’abus et de dépendance avec le tramadol, en particulier dans un contexte de mésusage. Afin de réduire ces risques, l’ANSM a limité en 2020 la durée de prescription à 12 semaines. En complément, elle a demandé en janvier 2023 aux laboratoires qui commercialisent des médicaments à base de tramadol de mettre à disposition des boîtes de 10 ou 15 comprimés ou gélules, adaptées aux traitements de courte durée. Les conditionnement plus importants, adaptés à des traitements de plus longue durée, restent disponibles.
Utilisé dans le traitement de certaines douleurs modérées et sévères, le tramadol est l’antalgique opioïde le plus prescrit en France. Comme tous les autres opioïdes, il peut exposer à des risques d’abus, de mauvais usage, de dépendance et de surdosage. Ces risques existent particulièrement lorsqu’il est mal utilisé, c’est-à-dire à des doses supérieures aux doses recommandées ou sur une durée prolongée, ou en dehors de ses indications (par exemple comme sédatif pour mieux dormir, ou pour réduire l’anxiété), mais aussi lorsqu’il est pris aux doses recommandées et/ou sur une courte période.
La dépendance au tramadol peut entraîner des symptômes de sevrage en cas d’arrêt brutal du traitement : nervosité, agitation, anxiété, insomnie, tremblements, sudation, diarrhée. Cela peut conduire un patient à prolonger la prise de tramadol alors qu’il n’a plus de douleur ou que celle-ci est d’intensité légère.
L’enquête d’addictovigilance sur le tramadol montre la persistance des signalements d’abus et de dépendance dans des contextes de mésusage ou d’usage détourné.
Pour réduire ces risques l’ANSM a limité la durée maximale de prescription à 12 semaines en 2020.
Diminuer le nombre de comprimés dans les boîtes vise à réduire le risque d’utilisation prolongée, et donc d’abus et de dépendance. Cette mesure limite également les possibilités de stockage familial et donc de risques pour les proches.
Rappels pour les professionnels de santé
L’ANSM demande aux professionnels de santé de rester vigilants lors de la prescription ou la délivrance des médicaments contenant du tramadol.
- Le tramadol est indiqué uniquement dans le traitement des douleurs modérées à intenses, ne le prescrivez pas dans le traitement des céphalées dont la migraine.
- Pour limiter le risque de dépendance, prescrivez-le le moins longtemps possible, c’est-à-dire entre 3 et 14 jours en cas de douleur aiguë. Dans la prise en charge d’une douleur chronique, réévaluez le traitement tous les 3 à 6 mois.
- Pour éviter un syndrome de sevrage, et ce quelle que soit la durée du traitement, diminuez progressivement (parfois sur plusieurs mois en cas de traitement chronique) la posologie jusqu’à l’arrêt.
- Du fait de ses propriétés sérotoninergiques, le sevrage peut s’avérer plus difficile et des symptômes dépressifs peuvent apparaître.
- Lorsqu’une dépendance est suspectée, en cas d’échec de l’arrêt progressif du traitement, l’ANSM recommande de faire appel à un addictologue ou une structure experte dans la dépendance médicamenteuse.
- Chez les patients à risque de surdosage, notamment en cas d’association à d’autres médicaments ou à la prise d’alcool, indiquez-leur la conduite à tenir en cas de surdosage en prescrivant ou proposant un kit de naloxone.
- Informez votre patient des précautions d’emploi et de stockage du médicament à base de tramadol que vous prescrivez ou dispensez.
- Pour rappel, le tramadol expose à des risques de convulsions.
Il doit être délivré par les pharmaciens dans les plus petits conditionnements possibles, adaptés à la prescription : des conditionnements de 10 ou 15 comprimés ou gélules sont plus adaptés pour les traitements de courte durée. Les conditionnements plus importants restent disponibles pour des traitements de plus longue durée.
Rappels pour les patients
L’ANSM rappele aux patients ces conseils de bon usage et de prudence pour sécuriser leur usage des médicaments contenant du tramadol :
Conseils de bon usage
- Respectez la dose et le nombre de prises indiqués sur l’ordonnance, ainsi que l’intervalle entre les prises et la durée de traitement.
- Si la douleur n’est pas suffisamment ou rapidement soulagée par votre traitement, consultez à nouveau votre médecin.
- Vous ne devez pas arrêter brusquement votre traitement car cela peut entrainer des manifestations liées au sevrage : nervosité, anxiété, sensation de manque, transpiration, agitation, tremblements, insomnie, diarrhée, voire plus rarement des hallucinations et attaques de panique.
Appel à prudence
- Respectez les modalités d’arrêt progressif qui vous ont été indiquées par votre médecin ou votre pharmacien.
- Conservez votre traitement dans un endroit clos et non accessible aux enfants.
- Rapportez à la pharmacie les comprimés ou gélules que vous n’avez pas utilisés.
- Ne proposez jamais votre traitement de tramadol à une personne de votre entourage, même si elle vous semble avoir des symptômes similaires aux vôtres.
- Si une personne (enfant ou adulte) a ingéré du tramadol qui ne lui était pas destiné, contactez immédiatement un centre anti-poison ou un service d’urgence : 15 (SAMU), 18 (pompiers) ou 112 (toutes urgences : médicales, incendie, sécurité).
- Personnes à risque de surdosage qui disposent d’un kit de naloxone : si la personne est somnolente, administrez-lui de la naloxone, appelez les secours et maintenez-la éveillée jusqu’à leur arrivée des secours :
- À partir de 14 ans, vous pouvez utiliser de la naloxone en solution pour pulvérisation nasale.
- Chez l’adulte, la naloxone en solution injectable par voie intramusculaire est aussi autorisée.