Le protoxyde d’azote, communément appelé « gaz hilarant » ou « proto » ou « kali », est de plus en plus détourné pour un usage récréatif. Dans la continuité des rapports produits en 2019, l’Anses et l’ANSM publient de nouveaux chiffres sur ces détournements d’usage signalés aux centres antipoison (CAP) et aux centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance – addictovigilance (CEIP-A). Ils confirment la très nette augmentation des cas d’intoxication en 2020 chez un public jeune. Ces intoxications s’accompagnent de conséquences neurologiques parfois graves et durables, en particulier chez les consommateurs réguliers. Le protoxyde d’azote est un gaz, utilisé en usage médical en antalgie et en anesthésie, soumis à la réglementation du médicament. Il est également utilisé dans l’industrie en tant que comburant et dans des produits de consommation courante en tant que gaz de compression, notamment les cartouches pour siphon culinaire. Dans ce contexte, il est soumis à la réglementation européenne sur les additifs alimentaires et auxiliaires technologiques. Il peut alors être en vente libre en supermarché et disponible sur Internet sous différentes formes (cartouches, capsules ou bonbonnes).
Depuis quelques années, ce sont particulièrement les cartouches de siphon pour usage culinaire qui sont détournées pour obtenir, par inhalation, un effet euphorisant. Cet usage concerne principalement des jeunes adultes, notamment des étudiants. Il a été rapporté plus récemment chez des adolescents (lycéens et collégiens). Cet usage détourné n’est pas sans risque.
Des effets toxiques connus mais souvent ignorés des consommateurs
- Des risques immédiats :
Asphyxie par manque d’oxygène, perte de connaissance, brûlure par le froid du gaz expulsé de la cartouche, perte du réflexe de toux (risque de fausse route), désorientation, vertiges et risque de chute. - Des risques en cas d’utilisation régulière et/ou à forte dose :
Du fait de l’action du gaz sur le système nerveux central, des consommations répétées, à intervalles rapprochés, peuvent entraîner des effets secondaires comme des maux de tête, des vertiges, mais aussi des effets plus graves comme des troubles du rythme cardiaque, un risque d’asphyxie, des troubles psychiques et des atteintes neurologiques.
Les jeunes particulièrement concernés
Les nouveaux chiffres publiés par les deux agences pointent la croissance des usages détournés du protoxyde d’azote : 134 cas rapportés aux centres antipoison en 2020 contre 46 en 2019, 254 signalements auprès des centres d’addictovigilance en 2020 contre 47 en 2019.
Les données de vigilance produites respectivement par les réseaux des CAPTV et des CEIP-A permettent aussi de mieux caractériser la nature des effets, les modes de consommation et les profils des utilisateurs. Elles confirment les tendances relevées depuis 2017 avec :
- Des intoxications qui concernent toujours en majorité de jeunes adultes (21-22 ans en moyenne) mais aussi une hausse de la proportion des mineurs (20 % des cas rapportés aux CAP en 2020, contre 13,6 % en 2019 ; 13,4 % des cas notifiés aux CEIP-A en 2020 versus 8,5 % en 2018/2019) ;
- Une part de plus en plus importante de consommations régulières et non plus seulement lors d’évènements festifs ;
- Des quantités consommées très variables : de quelques cartouches à plusieurs centaines par jour. L’étude de 2020 révèle également une hausse de la consommation via des bonbonnes, qui peuvent contenir l’équivalent d’une centaine de cartouches (3 % des cas rapportés aux CAP en 2019 contre 20 % en 2020 ; près d’un tiers des cas notifiés aux CEIP-A en 2020) ;
- Une part importante de cas d’abus, de pharmacodépendance (72,3 % des notifications rapportées aux CEIP-A) en lien avec un usage quotidien et/ou une consommation élevée (≥ 20 cartouches par occasion ou par jour) ;
- Une augmentation des cas d’atteinte neurologique et neuromusculaire (69,2 % des notifications rapportées aux CEIP-A en 2020 versus 59,6 % en 2018/2019 et 76,2% des effets rapportés aux CAP en 2020 versus 71,2 % entre 2017-2019) parfois grave de type sclérose combinée de la moelle, myélopathie entraînant des paresthésies, des troubles de la marche et de l’équilibre, convulsions, tremblements, parfois avec des séquelles qui nécessitent des séjours en rééducation ;
- Des troubles psychiatriques (34,9 % des notifications rapportées aux CEIP-A) tels qu’attaque de panique, délire, confusion, amnésie, agitation, irritabilité, insomnie, etc. ;
- Des effets cardiaques (8,4 % des notifications rapportées aux CEIP-A) tels que tachycardie, hypertension artérielle, bradycardie, douleurs thoraciques.
Quelques accidents de la voie publique, parfois graves, ont également été rapportés.
Faire connaître les risques et les réflexes à avoir en cas d’intoxication
Face à ce constat alarmant et à la sous-estimation du risque qui persiste chez ces consommateurs, les agences sanitaires rappellent une nouvelle fois les risques de l’usage détourné du protoxyde d’azote, chez les adolescents comme chez les adultes.
Elles recommandent :
- En cas d’urgence, prévenir les secours (15 ou 112) ;
- Face à des symptômes inquiétants ou inhabituels liés à un usage détourné de protoxyde d’azote, de contacter son Centre antipoison ou son Centre d’addictovigilance ;
- De déclarer tout cas grave lié à un abus, une dépendance ou un usage détourné avec le protoxyde d’azote sur le site signalement-sante.gouv.fr ;
- En cas de difficulté à contrôler et/ou à stopper sa consommation dans un contexte d’usage détourné, de consulter un médecin ou une structure spécialisée dans la prise en charge des addictions, telle qu’une « consultation jeunes consommateurs » qui propose un service, gratuit et confidentiel, d’accueil, d’écoute, de conseil et, si nécessaire, une orientation. Toutes les informations sont disponibles sur : www.drogues-info-service.fr
Un encadrement plus strict de la commercialisation du protoxyde d’azote
La loi visant à prévenir des usages dangereux du protoxyde d’azote a été adoptéele 1er juin 2021.
Cette loi interdit désormais de vendre ou d’offrir du protoxyde d’azote à toute personne mineure, mentionne que les commerçants sont à même d’exiger une preuve de la majorité des clients achetant des cartouches de protoxyde d’azote et que lors d’achat sur Internet, les sites doivent mentionner cette interdiction de vente aux mineurs avant de procéder à tout achat de protoxyde d’azote. Elle interdit également de vendre ou offrir ce produit dans les débits de boissons (bars, discothèques, soirées étudiantes, etc.) et de tabac. La mention de sa dangerosité en cas d’inhalation devra figurer sur tous les conditionnements dans des modalités qui seront fixées par un décret en préparation.
Bilan d’addictovigilance protoxyde d’Azote – Données 2020 – Rapport d’expertise du CEIP-Addictovigilance de Nantes (16/11/2021)
Compte-rendu du Comité scientifique permanent « interface avec le réseau de toxicovigilance » du 31/05/2021 (16/11/2021)
Bilan des cas rapportés aux Centres antipoison en 2020 – Rapport d’étude de toxicovigilance de l’Anses – Septembre 2021
Article de vigil’Anses – Protoxyde d’azote : toujours plus de détournements d’usage associés à de graves conséquences neurologiques